Le petit lynx by Nathalie Bianco & Nathalie Bianco

Auteur:Nathalie Bianco & Nathalie Bianco [Nathalie Bianco]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Amphora
Publié: 2023-10-12T00:00:00+00:00

Nour

La première chose qui lui a sauté aux yeux, ce sont les couleurs. Le village est ravissant, fiché au creux d’une petite vallée. Les ruelles sont gaies et propres, des fresques sont peintes sur les maisons et les murs et il y a des fleurs partout, surtout sur les robes traditionnelles des femmes. Au fond d’elle, elle regrette un peu d’être passée à côté de toute cette beauté et toute cette gaieté pendant tant d’années. Mais vivre en recluse, là-haut, a longtemps été sa seule manière de supporter sa souffrance. Peut-être a-t-elle commis une erreur, peut-être aurait-elle dû ne pas agir comme une enfant boudeuse et ne pas se couper de tout contact.

Elle n’a pas le temps de s’abîmer dans ses pensées, car déjà Hocine la presse : il a à peine fini de servir une cliente qu’une autre arrive.

— Je vais chercher d’autres courgettes dans la camionnette, tu peux servir la dame pendant ce temps ?

Elle fait oui de la tête et se tourne vers la cliente. Une petite femme, en robe orange et rose fuchsia, coiffée d’un foulard bleu, lui tend sa corbeille de tomates en souriant. « Je vais prendre aussi des aubergines, s’il vous plaît ». Ses yeux incroyablement clairs se posent avec curiosité sur la jeune femme occupée à peser les légumes :

— C’est la première fois que vous venez, il me semble ? Vous êtes l’épouse française de Hocine ?

— Oui. C’est la première fois.

— Très bien. Vous avez raison. Il faut aider son mari, et puis je dis toujours que les femmes sont meilleures marchandes que les hommes. Les hommes, ils cultivent, et les femmes elles vendent. Et elles devraient même garder l’argent ! Pour s’acheter des bijoux, des jolies robes... Enfin, c’est comme ça que ça devrait se passer, mais ça ne marche pas vraiment, termine-t-elle en éclatant de rire.

— Je n’ai pas de bijoux...

— Vraiment ? Vous ne connaissez pas les bijoux berbères ? Ce sont les plus beaux. Tout en argent. Mon mari en fabrique, passez nous voir après le marché, je vous montrerai. Même sans rien acheter, c’est très intéressant à voir. Il y a aussi beaucoup de très bons bijoutiers plus loin, dans les autres villages, à Beni Yenni, mais ici, Driss est le seul. Par ici, l’artisanat, c’est plutôt la poterie. C’est très bien les pots en terre, mais les boucles d’oreilles, c’est mieux. Passez tout à l’heure, je vous offre le thé et on fera connaissance.

Nour a jeté un œil interrogateur à Hocine, occupé à étaler sur les tréteaux les courgettes. Il a paru plutôt content que sa femme semble se décider à devenir sociable et il a souri :

— Bien sûr que tu peux y aller. Pendant ce temps j’irai fumer une cigarette et boire un thé à la salle communale. Tu salueras Driss de ma part.

En partant, la femme a lancé « À tout à l’heure. Vous ne pouvez pas vous tromper, notre maison est celle qui est juste à côté de la fontaine. L’atelier a une porte bleue et il y a une peinture avec l’alphabet berbère sur le mur.

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